Mes photographies sont d'abord des images mentales insufflées par le réel, où tout se joue en termes de processus, de transition, de corrélation d'un extrême à l'autre, de respirations entre le vide et le plein, dans ´ le jeu savant des volumes sous la lumiére .
Ma réflexion tourne autour de la question : qu'est-ce qu'un lieu ? Et d'une seconde question qui lui est liée : pourquoi alors qu'il n'y a aucun événement, décider soudain que là et maintenant les éléments me semblent réunis pour que je fasse une image ?
Delphes était dite : ´ l'ombilic du monde. Ainsi il y a à voir avec le sentiment obscur d'avoir trouvé un -centre-. une figure se crée dans ces lieux, expression d'une ordonnance. On cesse, enfin, d'être désorienté. Sans pouvoir l'expliquer entiérement ou le prouver, on ressent une impression semblable à celle que donne les grandes architectures ; il y a de nouveau communication, équilibre entre la gauche et la droite, la périphérie et le centre, le haut et le bas. Murmurante plutÙt qu'éclatante, une harmonie se laisse percevoir. Alors, on n'a plus envie de quitter cet endroit, de faire le moindre mouvement ; on est contraint, ou plutÙt porté au recueillement.
Mes images sont le théâtre d'une solitude en train de se réinventer, un dialogue avec les ombres, les absents, les disparus. Mes photographies d'espace sont tout à la fois la recherche de la justesse et de la sobriété, du silence et de la contemplation. Chacune est une méditation, un miroir qui nous renvoie tout autant à nous-même, à nos sentiments en fuite, à nos souvenirs voués à l'oubli, qu'à une dimension universelle.
Je suis à la recherche d'un état de conscience, en regardant la grande horloge du monde où le miracle de la présence des lieux représentés est soulignée par le pathos de l'absence de l'homme. Symétrie.
Je revendique un engagement spirituel dans le regard que je porte sur le monde, comme d'autres revendiquent un engagement politique, social ou esthétique. Loin de moi l'idée de m'accaparer une position, une légitimité, un stand bien en vue au grand bazar de la modernité. Mon écriture est sans véritable ancrage temporel puisque je cherche le souffle des anciennes vérités que rien ne saurait démentir. Peut-être est-ce parce qu'il n'y a plus de marques évidentes du Divin que celui-ci parle encore avec tant de persévérance et de pureté... Mais sans bruit, sans éclat, sans preuve, comme épars.
Jean-Christophe Ballot, avril 2003